Désertions à Maug

 

* Trinidad *
Fin août 1522
Mariannes du Nord

Après avoir fait demi-tour, la Trinidad a retrouvé des vents favorables et file en suivant un cap SW. Il lui faut moins de deux semaines pour revenir dans les parages de « Cyco ». Ils arrivent à la nuit tombée et préfèrent attendre le matin pour aborder l’île.
Mais le lendemain, il se révèle impossible d’atteindre la côte.
L’homme qu’ils ont embarqué à l’aller leur dit de continuer leur chemin en direction d’un groupe de trois îles, nommé « Mao » (ou « Pamo »), où ils pourront facilement accoster. Sur place, ils trouvent néanmoins des hauts-fonds et s’ancrent au milieu de l’archipel, où la profondeur est de « 15 brasses » (soit un peu moins de 30 mètres). [1]

Ce groupe de trois îles est très vraisemblablement Maug (20,03°N). On ignore sur laquelle exactement les Espagnols mirent pied.

Mariannes - Maug - vue satellite
Vue satellite de Maug (Mariannes)

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La Trinidad fait demi-tour

 

* Trinidad *
Vendredi 11 juillet 1522
Mariannes du Nord

Après avoir dépassé les Palaos début mai, la Trinidad poursuit sa route en suivant un cap NE. Depuis son départ des Moluques, la caraque subit des vents contraires en provenance de l’est, qui l’empêche de tracer sa route vers le Darién (actuel Panama). [1]

Aux environs des 19-20°N, elle atteint une petite île nommée « Cyco » (ou « Chyquom »), le vendredi 11 juillet 1522. [2]
L’identité de cette île est incertaine. Il pourrait s’agir de Farallón de Pájaros, un îlot volcanique situé à l’extrémité nord de l’archipel des Mariannes (20,54°N), ou bien d’Asunción, une île du même archipel, située plus au sud (19,69°N). [3]
On ignore s’ils purent ravitailler en eau et en nourriture. Par contre, le Routier du pilote génois (Leone Pancaldo ou Giovanni Battista da Ponzoroni) indique qu’ils embarquent un autochtone. Mais il n’est pas précisé si l’homme vient de son plein gré ou sous la contrainte, et la raison de son embarquement ; les Espagnols comptaient-ils s’en servir de pilote ? [4]

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Départ de la Trinidad

 

Premier trimestre 1522
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)

Après trois mois de réparations, la Trinidad est enfin prête à reprendre la mer. [1]

Le seul élément notable survenu au cours de ces trois mois est le décès de João Lopes Carvalho, a priori d’épuisement lié aux travaux sur la caraque. Si l’homme n’était guère apprécié de ses compagnons, il n’en demeurait pas moins un marin et pilote expérimenté, et sa mort constitue donc une perte importante.

Durant cette même période, le souverain de Jailolo, Yusuf, se présente à Tidore. [2] Il demande à ce qu’on lui prête un canon et des hommes armés afin qu’il mate une rébellion ; plusieurs Espagnols se rendent sur place et la révolte est écrasée. À leur retour, les réparations de la caraque sont terminées. [3]

 

Gonzalo Gómez de Espinosa décide qu’il vaut mieux ne pas réembarquer toute la marchandise ni les objets qui servent au troc avec les populations indigènes. Le tout est stocké dans le hangar construit courant novembre 1521 ; il est amené à devenir un véritable comptoir commercial lorsque les Européens reviendront. Une forteresse est également érigée, et équipée des canons provenant de la Concepción (incendiée à Bohol) et du Santiago (naufragé en Patagonie). [4]

Afin de surveiller les lieux, un petit groupe d’hommes est laissé sur place.
Juan de Campos est nommé facteur du dépôt. Il est accompagné de Luis del Molino (ancien serviteur de Gaspar de Quesada sur la Concepción), [5] de Diego Arias (supplétif sur la Trinidad), [6] du génois Alfonso Coto (supplétif sur la Concepción), [7] et de Pedro de Consejo, dit « Maestre Pedro » (bombardier sur la Concepción). [8]
Les documents d’époque espagnols indiquent que quatre hommes ont été laissés aux Moluques (los cuatro que quedaron en Maluco), et n’y incluent pas Maestre Pedro. [32] Portant, Antonio de Brito parle bien de cinq Castillans capturés à son arrivée aux Moluques, dont un lombardero (bombardier) ; et Leone Pancaldo, survivants de l’expédition, déclare aussi la présence de cinq personnes. La raison de ce décalage n’est pas claire. [9]

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Escale à la Isla de los Ladrones

 

Mercredi 6 mars 1521
Guam, îles Mariannes du Nord

Après trois mois d’une navigation éprouvante, l’armada aperçoit enfin des terres habitées.

 

Francisco Albo rapporte qu’ils découvrent deux îles. Ils se dirigent vers celle située au sud-ouest (12° 2/3 N) et laissent celle située au nord-ouest (13°N). [1]
Ceci est confirmé par le pilote génois (Leone Pancaldo ou Giovanni Battista da Ponzoroni). [2]

Pourtant, d’après le récit d’Antonio Pigafetta, il existe une île au nord-ouest et deux au sud-ouest de leur trajectoire. Et celle située au nord-ouest apparaissant plus élevée et plus grande, Magellan décide d’y marquer un arrêt pour avitailler. [3] Albo indique l’inverse et il s’agit peut-être d’une erreur de Pigafetta. De même, son récit est une nouvelle fois assez confus, et l’on ne comprend pas bien s’ils ont rencontrés les autochtones sur la première ou la deuxième île, ou peut-être les deux. Certaines sources disent qu’ils se sont dirigés vers la première île (au nord-ouest), mais n’ont pu y accoster. [4]
Ginés de Mafra parle d’une île donne l’impression qu’il y en a trois. Il précise (plus loin dans son récit) qu’il y a en tout sept îles dans l’archipel, situées entre 11 et 14°N. [5] Cependant, au vue de la trajectoire des navires et de la disposition des îles, on peut se demander comment ils ont pu les voir.
Pour le Portugais anonyme (probablement Vasco Gómez Gallego), ils découvrent simplement plusieurs îles entre 10 et 12° N. [6]

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Passage du 180e Méridien

 

Mercredi 13 février 1521
Océan Pacifique – Quelque part entre les îles Jarvis et Baker (USA)

Comme l’indique le journal de bord de Francisco Albo, la flotte franchit l’équateur le 13 février 1521. [1]

Les historiens belge Jean Denucé et portugais José Maria de Queirós Veloso (ce dernier ayant sans doute repris le premier) précisent que cela s’effectue par une longitude de 165°W, mais sans indiquer d’où ils tiennent l’information. [2]
Ils l’ont peut-être déduit du journal d’Antonio Pigafetta, mais cela demeure obscur.
Le Lombard précise en effet qu’ils franchissent la « ligne équinoxiale à 122° de la ligne de démarcation » (soit le méridien de Tordesillas), qui se trouve elle-même « 30° à l’ouest du méridien, et le premier méridien est à 3 degrés à l’ouest du cap Vert ». [3] Ainsi, ils se trouveraient à 155°W du Cap-Vert. Cependant, la capitale Praia se trouve à 23,52°W par rapport au méridien de Greenwich, ce qui situerait la flotte à environ 178°W. Ce qui ne colle pas et semble trop loin ; Pigafetta s’est plusieurs fois trompé sur les localisations, mais cela n’explique pas les 165° de Denucé et Queirós Veloso.
(À noter que l’identité du « premier méridien » demeure un mystère ; les terres les plus à l’ouest du méridien de Greenwich (hors Amérique) sont les îles de Santo Antão et São Vicente, au Cap-Vert ; elles sont traversées par le 25e méridien. Avec les informations de Pigafetta, cela nous amènerait à 177°W).
Il est aussi possible que les deux auteurs se soient basés sur la position exacte du méridien de Tordesillas (46,62°W) à laquelle ils ont ajouté les 122° de Pigafetta, ce qui donnerait un franchissement de l’équateur à 168°W.
Sur la carte proposée par l’Espagnol Tomás Mázon Serrano, qui a reconstitué l’itinéraire à partir des notes de Francisco Albo, le passage de l’équateur semble effectivement se faire aux environs de 165°W. [4] Mais peut-être s’est-il lui aussi basé sur les écrits des deux historiens.

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Découverte de la Isla de Los Tiburones

 

Lundi 4 février 1521
Îles de la Ligne (Kiribati)

Un peu moins de deux semaines après avoir croisé la Isla San Pablo, l’armada découvre une seconde île sur laquelle ils ne peuvent aborder.
Ils constatent une grande concentration de requins et nomment l’île en conséquence.

 

Maximilianus Transylvanus, qui rédigea le premier récit du voyage sur la base des témoignages des survivants, indique que la flotte a marqué une halte de deux jours pour se reposer le corps et l’esprit, ainsi que pour pêcher. [1] Le chroniqueur portugais João de Barros rapporte le même fait, sans préciser la durée de l’arrêt. [2]
Francisco Albo précise lui qu’ils ont pêché des requins [3] (ceci peut paraître étonnant dans la mesure où ils avaient déjà capturé des squales le long de la côte guinéenne et constaté que leur chair n’était guère comestible ; peut-être la faim dont ils souffraient les a contraint à réviser leur jugement).

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Découverte de la Isla San Pablo

 

Jeudi 24 janvier 1521
Archipel des Tuamotu (Polynésie française)

Deux mois après être sortie du Détroit de Magellan, l’armada aperçoit enfin sa première terre.

Il s’agit d’une petite île entourée de récifs qui les empêchent d’accoster, comme si « la nature l’avait armée pour se défendre contre la mer » dira Ginés de Mafra. Selon Antonio Pigafetta et Francisco Albo, elle n’est habitée que par des oiseaux et des arbres, et quelques requins semblent nager dans ses eaux. Les marins tentent de sonder mais ne trouvent aucun fond (on peut supposer qu’ils ont cherché à ancrer les navires en amont des récifs pour ensuite se rendre en chaloupe sur l’île).
La flotte est contrainte de reprendre sa route sans avoir pu avitailler. [1]

 

Chose étonnante : Francisco Albo indique que l’île fut nommée « San Pablo » en référence à la conversion de Saint Paul (Paul de Tarse). Or, celle-ci est célébrée le 25 janvier, et non le 24.
L’explication la plus plausible est qu’ils se sont trouvés aux abords de l’île durant les deux jours et ne la nommèrent que le second, après s’être rendus compte qu’ils ne pouvaient y accoster.

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Début de la traversée du Pacifique

 

Dimanche 16 décembre 1520
Au large de la côte chilienne

De la fin novembre à la mi-décembre, la flotte va remonter le long de la côte chilienne au lieu de partir vers l’ouest en direction des Moluques.

Le journal de Ginés de Mafra précise que Magellan a donné l’ordre de naviguer vers le nord pour atteindre des latitudes plus clémentes. [1] Il apparaît logique que le Portugais cherche à quitter les latitudes hostiles du sud avant d’entamer la traversée du Mar del Sur, où aucun Européen ne s’est encore aventuré.
L’embouchure occidentale du détroit se situe par 52° S (à la même latitude que l’embouchure orientale), soit dans les Cinquantièmes Hurlants. Les navires vont cheminer en direction du nord (tantôt NE, tantôt NW, en fonction du vent) pendant une vingtaine de jours, jusqu’à avoir franchi le quarantième parallèle (ce qu’ils font le jeudi 13 décembre).

Le dimanche 16 décembre, alors que l’armada se trouve par 36,5° S (à environ 160 km de Concepción, Chili), et navigue NNW, elle perd définitivement la terre de vue. (Les navires se trouvent alors à peu près à la latitude du Río de la Plata, qu’ils ont exploré en janvier 1520, soit il y a presque un an)
Il faut encore attendre les 22-23 décembre pour que la flotte oblique réellement et définitivement vers l’ouest (soit parce que Magellan souhaitait s’assurer une marge de manœuvre pour éviter de retomber dans les Quarantièmes Rugissants, soit parce que l’orientation du vent leur avait jusqu’à présent imposé cet itinéraire). [2]

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Entrée dans le Pacifique

 

Fin novembre 1520
Détroit de Magellan (Chili)

L’armada repart en direction du nord-ouest. Après avoir contournée l’île Carlos III (Isla Carlos III) (sans doute par le nord, où le passage est suffisamment large), elle pénètre dans la partie la plus étroite du détroit.
Une sorte de long canal s’étire en effet sur approximativement 75 km (~40 NM), enchaînant le paso Tortuoso et le paso Largo. La majeure partie de ce goulet se trouve coincé entre l’île Santa Inés (isla Santa Inés) au sud, et la péninsule Cordoba, extrémité de l’île Riesco (isla Riesco), au nord. Ginés de Mafra indique que l’endroit fait au maximum 3 à 3,5 lieues de large (~20 km, 10 NM), [1] mais en certains endroits, il y a à peine 3 km (1 NM) entre les deux rives. Ceci peut paraître très suffisant pour naviguer, mais il convient de rappeler qu’autour des navires s’élèvent des montagnes couvertes de forêts, et parfois enneigées. Le plafond nuageux est souvent bas. Les eaux sombres présentent une profondeur inégale, qui les conduit à longer plutôt la côte nord. De fait, les marins doivent avoir l’impression de progresser au sein d’une immense gorge, les lieux leur paraissant plus étroits qu’ils ne sont en réalité.

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