* Victoria *
Août 1522
Atlantique nord
Après son départ précipité du Cap-Vert, la Victoria a mis le cap sur les Açores, situées au nord-1/4-nord-ouest, alors que l’Espagne se trouve au nord-est (ou nord-nord-est). De plus, les Açores (38,59°N) se trouvent plus au nord que l’Andalousie, sa destination (36,78°N) ; soit un différentiel d’environ 200 km (108 NM). [1]
Si cette route peut sembler déraisonnablement longue, et que certains l’ont justifiée par la volonté d’échapper aux Portugais, elle fut surtout dictée par les vents.
Depuis environ un siècle déjà, les navigateurs lusitaniens connaissent les alizés (alísios en espagnol et portugais, easterlies en anglais). Ces vents soufflent de manière constante depuis la côte portugaise en direction du sud-ouest, descendant le long de la côte marocaine jusqu’aux Canaries : là, ils obliquent en direction de l’ouest pour filer vers les Antilles. De fait, remonter la côte africaine vers la Portugal implique d’aller contre ces vents, ce qui rend le voyage à la fois difficile et long. En se dirigeant vers les Açores, la distance à parcourir s’allonge grandement, mais non seulement le navire est porté par ces alizés qui arrivent de travers, mais au nord de l’archipel des Açores, il est possible de récupérer les vents d’ouest, ou contre-alizés (ventos do oeste, vientos del oeste ou westerlies) qui soufflent eux d’ouest en est ; à cela s’ajoute le Gulf Stream, un courant marin qui circule également vers l’est. Ainsi, les navires foncent alors vers la côte portugaise avec un vent régulier dans le dos. Les Portugais nomment cette route « la volta », « le tour ». [2]
Il est évident qu’au moins une personne à bord connait cette configuration météorologique. Il s’agit peut-être du pilote grec, ancien maître d’équipage (contramaestre) de la Trinidad, Francisco Albo (l’équipage compte alors quatre marins grecs, qui ont pu naviguer dans cette zone sur des bateaux lusitaniens). Le seul Portugais présent est un mousse, Vasco Gómez Gallego, qui semble avoir été un peu jeune et inexpérimenté pour guider le navire. [3] Quant à Juan Sebastián Elcano, peut-être était-il au courant, même si on ignore s’il a jamais navigué dans l’Atlantique. [4]
