Capture de la Trinidad

 

Octobre 1522
Moluques du Nord (Indonésie)

Après un périple de presque sept mois à travers l’océan Pacifique, la Trinidad est de retour aux Moluques.
À bord, sur la cinquantaine qui quitta Tidore le 6 avril 1522, ils ne sont plus qu’une vingtaine de marins, dont seulement six sont encore valides et très amoindris. [1]

La caraque contourne l’île principale d’Halmahera par le nord (comme elle l’avait fait à l’aller) et finit par s’ancrer quelque part entre Doi et Halmahera. [2]
La date exacte de l’arrivée à Pulau Doi est inconnue. L’historien espagnol Tomás Mazón Serrano la situe aux alentours du vendredi 17 – samedi 18 octobre 1522, ce qui semble cohérent avec la suite. [3]

Peu après, un prao indigène qui passait par là vient les aborder ; les hommes qui se trouvent à bord sont sujet du souverain de Jailolo en provenance d’Halmahera. [4] Ceux-ci informent les Espagnols que des Portugais sont arrivés aux Moluques à bord de sept navires, et ont entrepris la construction d’une forteresse. [5]
À ce moment-là, il est clair que les Portugais vont à un moment ou un autre être informés de la présence des Espagnols et viendront les trouver ; compte tenu de leur état, ils ne pourront se défendre. De plus, attendre ne conduirait qu’à la mort des hommes encore vivants. Décision est alors prise d’écrire au commandant de l’armada portugaise pour lui faire part de leur situation et lui demander de l’aide.
Un courrier est rédigé [6] et remis aux indigènes pour qu’ils le portent à Antonio de Brito. [7]

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Départ de la Trinidad

 

Premier trimestre 1522
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)

Après trois mois de réparations, la Trinidad est enfin prête à reprendre la mer. [1]

Le seul élément notable survenu au cours de ces trois mois est le décès de João Lopes Carvalho, a priori d’épuisement lié aux travaux sur la caraque. Si l’homme n’était guère apprécié de ses compagnons, il n’en demeurait pas moins un marin et pilote expérimenté, et sa mort constitue donc une perte importante.

Durant cette même période, le souverain de Jailolo, Yusuf, se présente à Tidore. [2] Il demande à ce qu’on lui prête un canon et des hommes armés afin qu’il mate une rébellion ; plusieurs Espagnols se rendent sur place et la révolte est écrasée. À leur retour, les réparations de la caraque sont terminées. [3]

 

Gonzalo Gómez de Espinosa décide qu’il vaut mieux ne pas réembarquer toute la marchandise ni les objets qui servent au troc avec les populations indigènes. Le tout est stocké dans le hangar construit courant novembre 1521 ; il est amené à devenir un véritable comptoir commercial lorsque les Européens reviendront. Une forteresse est également érigée, et équipée des canons provenant de la Concepción (incendiée à Bohol) et du Santiago (naufragé en Patagonie). [4]

Afin de surveiller les lieux, un petit groupe d’hommes est laissé sur place.
Juan de Campos est nommé facteur du dépôt. Il est accompagné de Luis del Molino (ancien serviteur de Gaspar de Quesada sur la Concepción), [5] de Diego Arias (supplétif sur la Trinidad), [6] du génois Alfonso Coto (supplétif sur la Concepción), [7] et de Pedro de Consejo, dit « Maestre Pedro » (bombardier sur la Concepción). [8]
Les documents d’époque espagnols indiquent que quatre hommes ont été laissés aux Moluques (los cuatro que quedaron en Maluco), et n’y incluent pas Maestre Pedro. [32] Portant, Antonio de Brito parle bien de cinq Castillans capturés à son arrivée aux Moluques, dont un lombardero (bombardier) ; et Leone Pancaldo, survivants de l’expédition, déclare aussi la présence de cinq personnes. La raison de ce décalage n’est pas claire. [9]

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Escale à Timor

 

* Victoria *
Fin janvier – Début février 1522
Île de Timor (Indonésie / Timor Oriental)

Après une quinzaine de jours de réparations, la Victoria quitte « Mallua » le samedi 25 janvier et gagne l’île de Timor, a priori dans la même journée.

Selon Antonio Pigafetta, ils mettent cap au SSW et parcourent 5 lieues (soit environ 30 km ou 16 NM). [1]
Selon Francisco Albo, ils partent en direction du S, parcourent 10 lieues (60 km ou 32 NM) et touchent Timor à une latitude de 9°. De là, ils vont longer la côte d’est en ouest. [2]

L’endroit où ils touchent l’île demeure très incertain.
Tout d’abord, il existe un doute sur l’identité de l’île nommée « Mallua », qui pourrait être soit Alor, soit Wetar, même si les divers éléments penchent en faveur de la première.
Ensuite, Albo indique qu’ils arrivent à hauteur d’une ville nommée « La Cueru », et longent ensuite la côte jusqu’à « Manbai », située par 9°24’S (-9,40S). [3] Pigafetta mentionne lui le village de « Amaban / Amabau ». [4] Aucun de ces lieux n’existe aujourd’hui, ni même de localité au nom approchant. Il existe cependant un peuple Mambai, mais celui-ci vit actuellement plutôt au nord-est de l’île (Timor oriental), très loin de l’endroit où Albo situe « Manbai » ; ce peuple occupait-il à l’époque d’autres endroits de l’île ?
L’historien espagnol Eustaquio Fernández de Navarrete précise que le village de « Marubay » se trouve près d’un port nommé « Batutara ». S’il existe bien une île volcanique du nom de Batu Tara dans les Petits îles de la Sonde, celle-ci se trouve au nord de Lembata, à environ 175 km (95 NM) au NNW de leur position actuelle.

Cependant, au détour de son récit, Antonio Pigafetta mentionne le village de « Balibo ». Or, il existe à l’heure actuelle une commune nommée Balibo au Timor Oriental. Celle-ci se trouve à un peu moins de 9° S et approximativement à 60 km au sud d’Alor (soit la latitude et la distance données par Albo).
Il est donc vraisemblable que la Victoria ait touché Timor dans cette région.

Carte Indonesie Petites iles Sonde Timor
Carte du Timor et des Petites îles de la Sonde (Indonésie)

 

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Traversée des Petites îles de la Sonde

 

* Victoria *
Fin décembre 1521 – Début janvier 1522
Moluques (Indonésie)

Après avoir passé la nuit près de Sanana, la Victoria repart vers le sud et contourne l’île de Buru par l’ouest.
Le vendredi 27 décembre 1521, le navire se trouve sur la côte sud de l’île. [1]
Il semble que les marins y aient accosté pour avitailler de toutes sortes de provisions (entre autres cochons, chèvres, poulets, cannes-à-sucre, noix de coco ou sagou). [2]

Ils poursuivent ensuite vers l’est, passant près d’Ambelau le 28, pour atteindre Ambon le dimanche 29. Cette île a la particularité d’être habitée à la fois par des Maures et des « gentils ». Les premiers occupent la côte, et ont repoussé les peuples autochtones anthropophages dans les terres. [3]

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Départ de la Victoria

 

Samedi 21 décembre 1521
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)

Comme convenu, la Victoria met les voiles vers midi, avec à son bord 47 européens et 13 Moluquois (dont deux pilotes). À Tidore demeure l’équipage de la Trinidad, soit 53 hommes (dont João Carvalho).
Bien que les pilotes aient conseillé de partir au plus tôt pour profiter du temps favorable, il leur a fallu patienter jusqu’en milieu de journée afin de permettre à ceux contraints de rester sur place d’écrire des lettres pour l’Espagne (probablement à destination de leurs familles).
Des décharges d’artillerie sont échangées, et les marins de la Trinidad escortent la Victoria en chaloupe aussi loin qu’il leur est possible. [1]

La Victoria se rend jusqu’à l’île voisine de Mare accompagnée par un ministre du sultan Al-Manzor de Tidore. Quatre embarcations viennent lui livrer le bois préparé à leur attention. Il faut moins d’une heure pour charger la cargaison. [2]

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Séjour aux Moluques (10) : faux départ

 

Mercredi 18 décembre 1521
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)

Le jour du départ est arrivé.

Le sultan Al-Manzor de Tidore, le sultan Yusuf de Jailolo, le souverain Alauddin de Bacan, ainsi que le fils du sultan Bayan Sirrullah de Ternate (probablement Darwis), doivent accompagner les navires espagnols jusqu’à Mare, où du bois leur a été préparé. [1]

En matinée, la Victoria, commandée par Juan Sebastián Elcano, met les voiles en premier et commence à s’éloigner. La Trinidad semble, elle, éprouver de la difficulté à appareiller. Et pour cause : les marins découvrent bien vite une importante voie d’eau dans la cale. Voyant le vaisseau amiral retourner au point de mouillage, la Victoria fait elle aussi demi-tour. [2]
Là, la cargaison est déchargée et la caraque couchée sur le côté. [3] Pourtant, l’eau continue d’affluer sans que l’on ne parvienne à trouver l’origine de la fuite.
Toute la journée du mercredi, ainsi que celle du jeudi, les marins vont pomper l’eau sans jamais en voir le bout. [4]

Al-Manzor, informé de la nouvelle, fit quérir cinq plongeurs particulièrement doués en apnée. Malgré une demi-heure d’investigation, la voie d’eau demeure introuvable.
Le sultan envoie donc chercher à l’autre bout de l’île trois nouveaux plongeurs, semble-t-il particulièrement réputés. [5]

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Séjour aux Moluques (9) : hissage des nouvelles voiles

 

Dimanche 15 décembre 1521
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)

En soirée arrive le souverain de Bacan. [1] Il est accompagné de son frère, qui vient épouser l’une des filles d’Al-Manzor de Tidore. Son embarcation compte cent vingt rameurs, répartis en trois rangs, et est richement décorée ; de la musique règle le rythme des rames. Derrière suivent deux canots avec des jeunes filles, semble-t-il destinées au service de la future épouse.

Comme le leur a demandé Al-Manzor, les Espagnols tirent au canon en l’honneur du visiteur (sans toutefois employer la plus grosse artillerie, car les navires sont trop chargés pour cela). En guise de remerciement, les visiteurs font le tour des caraques occidentales. [2]

La tradition locale interdit à un souverain de poser le pied sur la terre d’un autre. Al-Manzor se rend donc sur l’embarcation du sultan de Bacan. Après un certain cérémonial, Al-Manzor offre en dot cinq cents draps d’or et de soies venus de Chine (ils sont très prisés des Moluquois, qui les revêtent notamment en cas de deuil). [3]

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Séjour aux Moluques (8) : embarquement de Lourosa

 

Samedi 7 décembre 1521
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)

Pedro Afonso de Lourosa  arrive aux navires espagnols accompagnés de trois des fils du sultan de Ternate, Bayan Sirrullah (décédé en début d’année). Les épouses de ces derniers sont également présentes. [1] À bord, les hommes se voient offrir des tasses dorées, les femmes des ciseaux et diverses babioles.

On remet également aux fils des bijoux à destination de la veuve du sultan, qui refuse de monter à bord. [2]

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Séjour aux Moluques (7) : visite du souverain de Makian

 

Vendredi 29 novembre 1521
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)

Le souverain de Makian Humay, arrive à Tidore accompagné de plusieurs pirogues. Cependant, celui-ci refuse de débarquer sur l’île car son père et son frère, qu’il avait bannis de Makian, y ont trouvé refuge. [1]
Humay (ou Humai), âgé de 25 ans, est en effet le neveu d’Al-Manzor, sultan de Tidore. Il est donc compréhensible que ce dernier ait accueilli son propre frère lorsque celui-ci fut chassé de son île.

Le lendemain, Al-Manzor se présente aux navires en compagnie d’Humay. Cependant, les Espagnols se trouvent confus car ils n’ont plus de draps à lui offrir. Sachant cela, Al-Manzor fait chercher des draps rouges et les donne aux visiteurs, afin qu’en les agrémentant de quelques objets, ils puissent en faire à leur tour présent au gouverneur de Makian. [2]
À leur départ, plusieurs coups de canons sont tirés.

Le dimanche 1er décembre, Humay repart dans son île, non sans que son oncle ne lui ait fait quelques cadeaux afin qu’il fasse au plus tôt acheminer des clous de girofle à Tidore.

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Séjour aux Moluques (6) : le sultan de Tidore tient promesse

 

Dimanche 24 novembres 1521
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)

À la nuit tombée, le sultan Al-Manzor, qui était parti chercher des clous de girofle à Bacan, revient à Tidore au son des timbales. Alors que ses esquifs passent entre les caraques espagnoles, celles-ci tirent au canon pour saluer son retour.
Monté à bord, il informe ses invités que, suivant ses ordres, on leur apporterait une grande quantité d’épices durant les quatre jours à venir. [1]

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