Interrogatoire des survivants de la Victoria

 

Fin septembre-Début octobre 1522
Valladolid (Espagne)

Convoqué par le roi Carlos, Juan Sebastián Elcano se rend à Valladolid. [1]

Conscient de l’état des marins rescapés, et ne souhaitant pas que des hommes en guenilles se présentent devant le souverain, Francisco de los Cobos (conseiller du roi et auteur de la lettre en son nom) a informé la Casa de Contratación qu’elle devait fournir des vêtements à Elcano et aux deux hommes qui l’accompagneront.
En effet, le message stipule que le capitaine basque doit amener avec lui deux de ses compagnons, « les plus sains d’esprit et les plus raisonnables », pour faire le récit de leur voyage. [2]
Pour l’accompagner, Elcano choisit Hernándo de Bustamante, le barbier qui avait embarqué avec lui sur la Concepción, et qu’il tient sans doute en haute estime. La présence de Francisco Albo est à la fois logique et tout de même étonnante : le marin grec a servi de pilote pour le voyage de retour de la Victoria, mais il s’est également opposé à Elcano, n’approuvant pas le choix de traverser l’océan Indien. [3] Peut-être le Basque estime-t-il que le Grec constituera un témoin impartial ?
Il semble également que les trois Moluquois qui ont survécu au voyage retour soient présents.

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Arrivée à Séville de la Victoria

 

* Victoria *
Lundi 8 septembre 1522
Séville (Espagne)

C’est une Victoria en piteux état qui arrive au port de Las Muelas à Séville en ce 8 septembre.
Les marins épuisés trouvent néanmoins la force d’effectuer une décharge d’artillerie pour annoncer leur retour. [1]

 

Le lendemain, mardi 9, les hommes se rendent à l’église. [2]
En chemises et pieds nus, une bougie à la main, la procession visite Notre-Dame de la Victoire (Nuestra Señora de la Victoria), située sur la rive ouest du Guadalquivir. Celle-là même où les marins s’étaient recueillis le mercredi 10 août 1519, avant de quitter Séville. [3]
La procession se rend ensuite à Sainte-Marie d’Antigua (Nuestra Señora de la Antigua).
Antonio Pigafetta rappelle qu’ils en ont plusieurs fois appelé à l’aide de la Vierge Marie lors des moments difficiles, et promis de lui rendre hommage s’ils revenaient sains et saufs.

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Retour en Espagne de la Victoria

 

* Victoria *
Août 1522
Atlantique nord

Après son départ précipité du Cap-Vert, la Victoria a mis le cap sur les Açores, situées au nord-1/4-nord-ouest, alors que l’Espagne se trouve au nord-est (ou nord-nord-est). De plus, les Açores (38,59°N) se trouvent plus au nord que l’Andalousie, sa destination (36,78°N) ; soit un différentiel d’environ 200 km (108 NM). [1]

Si cette route peut sembler déraisonnablement longue, et que certains l’ont justifiée par la volonté d’échapper aux Portugais, elle fut surtout dictée par les vents.

Depuis environ un siècle déjà, les navigateurs lusitaniens connaissent les alizés (alísios en espagnol et portugais, easterlies en anglais). Ces vents soufflent de manière constante depuis la côte portugaise en direction du sud-ouest, descendant le long de la côte marocaine jusqu’aux Canaries : là, ils obliquent en direction de l’ouest pour filer vers les Antilles. De fait, remonter la côte africaine vers la Portugal implique d’aller contre ces vents, ce qui rend le voyage à la fois difficile et long. En se dirigeant vers les Açores, la distance à parcourir s’allonge grandement, mais non seulement le navire est porté par ces alizés qui arrivent de travers, mais au nord de l’archipel des Açores, il est possible de récupérer les vents d’ouest, ou contre-alizés (ventos do oeste, vientos del oeste ou westerlies) qui soufflent eux d’ouest en est ; à cela s’ajoute le Gulf Stream, un courant marin qui circule également vers l’est. Ainsi, les navires foncent alors vers la côte portugaise avec un vent régulier dans le dos. Les Portugais nomment cette route « la volta », « le tour ». [2]

Il est évident qu’au moins une personne à bord connait cette configuration météorologique. Il s’agit peut-être du pilote grec, ancien maître d’équipage (contramaestre) de la Trinidad, Francisco Albo (l’équipage compte alors quatre marins grecs, qui ont pu naviguer dans cette zone sur des bateaux lusitaniens). Le seul Portugais présent est un mousse, Vasco Gómez Gallego, qui semble avoir été un peu jeune et inexpérimenté pour guider le navire. [3] Quant à Juan Sebastián Elcano, peut-être était-il au courant, même si on ignore s’il a jamais navigué dans l’Atlantique. [4]

Carte - Açores - Cap-Vert Portugal Afrique
Carte de l’Atlantique nord, avec les Açores et la péninsule ibérique

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Arrivée en Espagne des déserteurs du San Antonio

 

Mercredi 8 mai 1521
Séville (Espagne)

Après une remontée de l’Atlantique qui aura duré six mois, le San Antonio et sa cinquantaine de déserteurs arrive enfin au port de Las Muelas, à Séville.

 

Le 8 novembre 1520, alors que l’armada explorait l’Estrecho de todos los Santos (futur détroit de Magellan), l’équipage du plus gros navire de la flotte s’est mutiné. Le capitaine Álvaro de Mezquita (cousin ou neveu de Fernão de Magalhães) a été mis aux fers et la caraque a fait route vers Séville.

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Départ de Sanlúcar de Barrameda

 

Mardi 20 septembre 1519
Sanlúcar de Barrameda, Cadix, Andalousie, Espagne

Durant l’escale, Magellan effectue plusieurs aller-retour à Séville, notamment pour saluer son ami et beau-père Diego Barbosa, dire un dernier adieu à sa femme Maria Caldera Beatriz Barbosa (épousée en décembre 1517) et son fils Rodrigo de Magalhães [1], et aussi rédiger son testament. [2]

 

La veille du départ, Magellan a invité (pour ne pas dire contraint) les marins à se confesser, possiblement en l’église Notre-Dame de l’Ô (Iglesia de Nuestra Señora de la O). [3]

Église Notre-Dame de l’Ô, Sanlúcar de Barrameda
Église Notre-Dame de l’Ô, Sanlúcar de Barrameda ©Catedrales e Iglesias / Alejandro Blanco, 2013 (CC BY 2.0)

Nombre d’entre eux était issus des basses classes de la société, et il n’est pas certain que tous aient été familiers de l’exercice. De plus, si la plupart embarquait pour des raisons financières ou dans l’espoir d’une vie meilleure, certains cherchaient à échapper à la prison ou à quelque dette. Magellan souhaitait ainsi placer son voyage sous les meilleurs auspices en déchargeant les marins de leurs péchés. On ne sait pas grand-chose sur le déroulement de cette confession, notamment concernant son organisation matérielle car il paraît compliqué pour un seul prêtre d’entendre et d’absoudre plus de deux cents hommes ; la cérémonie a-t-elle été collective et donc éloignée du processus habituel ? Plusieurs prêtres ont-ils officié ce jour-là ? Tout le monde y est-il réellement allé ou bien seuls des volontaires ?

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Départ de Séville

 

Mercredi 10 août 1519
Port de Las Muelas, Séville, Andalousie, Espagne

Après avoir prié à l’église Santa María de la Victoria, les équipages embarquent et la flotte quitte le port de Las Muelas. Bien que des tirs au canon [1] saluent ce départ, il ne s’agit alors que de se rendre à Sanlúcar de Barrameda, situé dans l’estuaire du Guadalquivir [2], pour y avitailler.
Avant de partir, Magellan a prêté serment dans cette même église, et reçu la bannière royale des mains du corregidor Sancho Martínez de Leyva. [3]

La navigation sur le fleuve est complexe et nécessite la présence de pilotes locaux pour aider les barreurs. Outre la faible profondeur, on note le passage d’un pont en ruines, dont seules deux colonnes dépassent encore de l’eau, entre lesquelles il convient de passer. Cet obstacle se trouve près de San Juan de Aznalfarache. [4]
Antonio Pigafetta signale comme particularité que cette ville compte de nombreux Maures. La Reconquista s’est achevée vingt-sept ans plus tôt, avec la prise de Grenade le 2 janvier 1492. Ceci tendrait à prouver que tous les Maures n’ont pas été chassés, mais que certains sont restés vivre sur place.
Juste après s’effectue un passage devant la ville de Coria del Río, [5] que Pigafetta mentionne sans plus de précision.
Les navires arrivent finalement au port de Sanlúcar, surplombé par le palais des ducs de Medina Sidonia (Palacio de los duques de Medina Sidonia). Non loin se trouve une forteresse, également construit par les Medina Sidonia, le Château de Santiago (Castillo de Santiago). C’est probablement à ce dernier que fait référence Pigafetta. [6]

Sanlucar-de-Barrameda_chateau-de-Santiago_2007
Sanlúcar de Barrameda – Château de Santiago ©José Manuel Lira Vidal ,2007

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