Vendredi 29 novembre 1521
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)
Le souverain de Makian Humay, arrive à Tidore accompagné de plusieurs pirogues. Cependant, celui-ci refuse de débarquer sur l’île car son père et son frère, qu’il avait bannis de Makian, y ont trouvé refuge. [1]
Humay (ou Humai), âgé de 25 ans, est en effet le neveu d’Al-Manzor, sultan de Tidore. Il est donc compréhensible que ce dernier ait accueilli son propre frère lorsque celui-ci fut chassé de son île.
Le lendemain, Al-Manzor se présente aux navires en compagnie d’Humay. Cependant, les Espagnols se trouvent confus car ils n’ont plus de draps à lui offrir. Sachant cela, Al-Manzor fait chercher des draps rouges et les donne aux visiteurs, afin qu’en les agrémentant de quelques objets, ils puissent en faire à leur tour présent au gouverneur de Makian. [2]
À leur départ, plusieurs coups de canons sont tirés.
Le dimanche 1er décembre, Humay repart dans son île, non sans que son oncle ne lui ait fait quelques cadeaux afin qu’il fasse au plus tôt acheminer des clous de girofle à Tidore.
Lundi 2 décembre 1521
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)
Al-Manzor effectue un nouveau voyage hors de son île en quête de clous de girofle, sans que l’on ne sache où il se rend.
Il en revient le mercredi 4 décembre, jour de la Sainte-Barbe (Santa Barbaba), et est accueilli comme il se doit par une décharge d’artillerie.
En soirée, les Espagnols tirent des feux d’artifice, pour le plus grand plaisir du sultan. [3]
Jeudi 5 décembre 1521
Tidore, Moluques du Nord (Indonésie)
Durant deux jours (5 et 6 décembre), les Européens vont acheter de grandes quantités de clous de girofle. Les autochtones ayant eu vent de leur départ imminent, le cours de l’épice chute et il est désormais possible d’en échanger 100 livres contre une simple chaîne de laiton valant dix sous. [4]
Chaque marin désire en rapporter le plus possible (compte tenu de leur grande valeur en Europe) ; certains vont même jusqu’à échanger leurs vêtements. [5]
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[1] Antonio Pigafetta parle tout d’accord d’un « roi de Machian », ce qui est étonnant dans la mesure où plus tôt dans son journal, il mentionne le fait que Makian (tout comme Moti) possède un gouvernement populaire, et non un roi. Par la suite, il utilise le terme de « gouverneur de Makian » ; bien qu’impropre, ce terme paraît plus adapté.
Pigafetta, Primer viaje alrededor del Globo (Civiliter p.120 ; Charton p.335) & (Civiliter p.106 ; Charton p.326-327)
[2] Pigafetta ne le dit pas clairement, mais il semble probable que ces draps rouges étaient déjà des cadeaux des Espagnols à Al-Manzor, qui s’en est diligemment départi pour qu’ils soient offerts à son neveu.
Pigafetta, Primer viaje alrededor del Globo (Civiliter p.121 ; Charton p.335)
[3] Pigafetta, Primer viaje alrededor del Globo (Civiliter p.121 ; Charton p.335-336)
[4] Pigafetta parle « d’un marcel » (marcelo en espagnol, marcello en italien), une monnaie vénitienne d’une demi lire en argent émise par le doge Nicolò Marcello à partir de 1473. Selon le journaliste français Édouard Charton, elle valait 10 sous français, soit 50 centimes de francs (~0,08 €).
Pigafetta, Primer viaje alrededor del Globo (Civiliter p.121 ; Charton p.336 note 1)
[5] La transcription française fournie par Édouard Charton mentionne le terme de « hardes », soit des vêtements misérables (terme encore en usage en français acadien pour désigner des vêtements). La transcription espagnole de la Fundación Civiliter emploie le terme « vestidos », soit des robes ou simplement des vêtements.
Pigafetta, Primer viaje alrededor del Globo (Civiliter p.121 ; Charton p.336)
Denucé, Magellan. La question des Moluques et la première circumnavigation du globe (1911), p.346